veuve un peu riche, qui se mariât autrement que de
par monseigneur le duc de Bourgogne, ou de par
monseigneurle comte de Charolais son fils, ou de par
les seigneurs de leur cour. Elle était habile, ma foi,
la mère qui cachait si bien sa fille, qu’elle parvenait à
la marier selon sa fantaisie ! Qui le croirait ? On avait
vu des veuves de la veille se remarier le lendemain à
des hommes de leur gré, tant ces dames haïssaient
l’arbitraire ! C’était ne pas perdre de temps ; mais
malheur à celles qui étaient moins promptes ; malheur
aux scrupuleuses qui faisaient trop long deuil ; la
vigilance ducale était là, et il fallait épouser, celle-ci
un veneur, celle-là un archer, cette autre un palefrenier,
chacune enfin quelque varlet des deux princes
ou de l’un des seigneurs de leur cour. Ces jeunes
filles, ces jeunes femmes dont on disposait ainsi sans
les consulter, donnaient-elles toujours le cœur avec la
main ? Tous ces mariages par ordre tournaient-ils
infailliblement à bien ? Je ne l’oserais jurer ; mais
quel remède ? les ducs le voulaient ainsi. Leur parler
de penchants du cœur, de mariages d’inclination,
c’était jouer à se faire regarder de travers. Ils ne connaissaient
que les mariages de raison ; hors de là,
selon eux, point de bonheur. À ce compte, que l’on
devait être heureux dans les états des ducs de Bourgogne !
Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/80
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