Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 2, Le Grand, 1833.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
son enfant, après l’avoir ondoyé, et le jeta dans une mare où le cadavre fut trouvé peu de jours après.


1489. Jehanne Dantot, de la paroisse de Ouville-l’Abbaye, diocèse de Rouen, âgée de 21 ans.
    Un jeune homme l’avait prise de force dans un bois dépendant de Ouville. Son père le sut, et la maltraita, ce qui la contraignit d’aller demeurer à Auzebosc. Puis, étant allée à Blainville, comme servante d’auberge, elle devint grosse des œuvres d’un homme-d’armes de la compagnie du sieur De Torchy. Elle était enceinte depuis six semaines ; un sieur De Biennaiz, qui demeurait de ce côté, la prit chez lui et en fit sa concubine. Il l’entretenait depuis sept mois et demi, lorsqu’elle accoucha chez lui, en lui avouant que c’était du fait d’un homme-d’armes de Jehan D’Estouteville, seigneur de Torcy et de Blainville. Le sieur De Biennaiz, furieux de ce qu’elle était venue vivre avec lui étant enceinte, la chassa elle et son enfant. Deux femmes la recueillirent chez elles ; elle y vécut trois semaines, nourrissant son enfant, et vivant d’aumônes. Le sieur De Biennaiz ne faisait rien pour elle, et allait souvent l’injurier, lui disant qu’il voudrait qu’elle eût tué son enfant et qu’elle fût brûlée vive, comme l’avait été tout récemment, à Rouen, une femme convaincue d’infanticide. Jehanne Dantot avait envoyé son enfant au père, qui avait refusé de le prendre ; elle était désespérée ; chaque jour, le sieur De Biennaiz lui répétait : « Qu’en penses-tu faire, que je ne le voie plus ? » Une des femmes qui lui avaient donné asile lui disait sans cesse : « plust à Dieu qu’il fust en paradis et vous aussy. » Sur ce qu’elle disait qu’elle porterait elle-même l’enfant à son père, on lui répondait qu’il le refuserait encore et couperait bras et jambes à la mère. Enfin, un jour, hors d’elle-même, elle noya son enfant dans un seau d’eau ; puis, en proie au remords, l’en tira et le réchauffa devant le feu ; mais il mourut la nuit suivante. Arrêtée à raison de ce crime,