Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 2, Le Grand, 1833.djvu/560

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la charte originale, et jusqu’alors entièrement inconnue, de la création primitive de la confrérie. Cette charte est du mois de mars 1292. Ce fut certainement à cette époque-là que la confrérie de saint Romain commença d’exister. Mais fut-elle dès-lors créée, comme on pourrait le croire, pour rendre à saint Romain des honneurs particuliers, et pour rehausser la solennité de la délivrance du prisonnier ? Non ; la charte de 1292 ne dit pas un mot du privilége de saint Romain, ni du cérémonial de la fierte. La confrérie avait alors une autre destination, que cette charte nous indique clairement. Les huit petits chanoines des quinze marcs et des quinze livres, prébendés en l’église de Rouen, avaient remarqué avec un véritable chagrin que souvent des prêtres, des diacres, sous-diacres ou bénéficiers de la cathédrale, peu ou point rétribués, vivaient dans la misère et dans la privation de toutes choses, et qu’après une vie exemplaire et édifiante, mais pauvre à l’excès et dénuée jusqu’à l’indigence, ces malheureux ecclésiastiques mouraient dans un tel état de détresse, qu’ils ne laissaient pas de quoi payer les frais de leur sépulture. Souvent il fallait les porter malades à l’Hôtel-Dieu, où ils mouraient et étaient inhumés comme des mendians, ce qui tournait à la honte et au déshonneur de l’église de Rouen. Animés du louable désir « d’épargner désormais cet opprobre à la première église de la province », les huit petits chanoines conçurent l’idée charitable d’établir une confrérie dont la mission serait de donner aux pauvres prêtres de la cathédrale des secours temporels et spirituels. Les prêtres n’eurent qu’à entrer dans la confrérie nouvelle, et alors « si, par quelque revers, mais non par leur propre faute, ils venaient à tomber dans un état de dénuement tel qu’ils ne pussent se suffire, la confrérie venait à leur secours avec ses deniers, et leur subvenait, de manière à ce qu’ils ne manquassent de rien, et surtout ne fussent pas contraints de mendier ; car on en avait vu, précédemment, plusieurs réduits à cet excès d’infortune. Ceux d’entre eux qui, à leur mort, ne laissaient pas de quoi payer des