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L’ATELIER D’INGRES.

un fait que me raconta M. Ingres le jour où je vis chez lui cette merveilleuse toile.

Une dame âgée, et assez pauvrement costumée, était venue quelques jours avant lui demander un moment d’audience. À peine entrée :

« Vous ne me reconnaissez pas, dit-elle à M. Ingres, dont la figure indiquait visiblement l’embarras ; et pourtant vous avez fait mon portrait… Mais j’étais jeune alors, et, l’on disait… jolie. Je suis madame de Vaucey. »

M. Ingres s’avança vivement vers elle, lui prit les mains, et remédia comme il put à son manque de mémoire.

En 1808, madame de Vaucey habitait l’Italie et faisait les beaux jours de Naples, et aussi, disait-on, d’un ambassadeur qui y résidait alors. Ayant eu le désir de se faire peindre, elle s’adressa à M. Ingres, alors élève de Rome, qui se trouvait là, sous la main. Est-ce le hasard ou le goût qui guida dans ce choix ? On peut, dans tous les cas, féliciter le modèle.

Quand M. Ingres lui eut demandé le motif de sa visite, elle lui confessa simplement que, dans un dénûment presque complet, elle se trouvait absolument obligée, à son grand regret, de vendre le portrait qu’il avait fait d’elle. Persuadée qu’il mettrait à lui rendre ce service plus d’intérêt que qui que ce fût, elle avait eu la