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UNE SÉANCE À L’INSTITUT.

J’ai conservé peu de souvenir des paroles de M. Quatremère de Quincy ; celui du discours de M. Garnier est encore plus vague, s’il est possible, dans mon esprit, et, à part l’émotion que j’éprouvai en voyant ces jeunes artistes recevoir leurs couronnes et venir embrasser leurs maîtres, toute la séance se passa pour moi dans la contemplation de l’homme à qui j’allais confier le soin de m’instruire.

Je remarquai dès ce premier jour les deux natures si distinctes de ce grand artiste, l’une presque enfantine et bourgeoise, l’autre violente et passionnée. Pendant les discours, si une pensée le choquait, il passait rapidement la main sur sa figure et tapotait avec vivacité son genou du bout de ses doigts ; à un mot qui lui agréait, son visage s’épanouissait. Qu’une phrase de la cantate lui plût, son plaisir ou son émotion s’y lisait aussitôt, sans qu’il cherchât le moins du monde à s’en cacher. Mais quand ces impressions d’artiste, bonnes ou mauvaises, étaient passées, sa figure reprenait un air presque bourgeois. L’art seul avait évidemment le privilège de l’illuminer.

Enfin, les dernières notes de la cantate donnèrent le signal du départ. La séance était levée, et je me précipitai, enjambant les banquettes, bousculant un peu tout le monde, pour arriver