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COPIE D’UN PORTRAIT.

l’exactitude dont j’étais capable ; mais je n’attendais pas sans une certaine anxiété le jour où le maître la jugerait. Je me rappelais ce que madame Ingres avait dit devant moi : « Ingres prétend qu’on ne peut pas le copier. » Cela n’était pas rassurant. Enfin, ce moment arriva ; et, après quelques minutes d’un examen approfondi, M. Ingres, se retournant vers moi, me dit :

« Je la signerais… et je vous remercie du soin, du talent, ajouta-t-il, que vous avez mis à mon service, et que du reste je devais attendre de vous. »

Rien n’est moins difficile que de faire une copie, surtout d’après l’ouvrage du maître qui vous a enseigné ; mais je fus satisfait pour Armand Bertin de ces paroles élogieuses, dont je ne pris pour moi qu’une part très-restreinte.

Tout à coup, se tournant de mon côté, M. Ingres me dit, à notre grande stupéfaction :

« Pourquoi n’avez-vous pas essayé un autre fond… un fond verdâtre ? »

Armand Bertin ne dissimula pas une marque d’étonnement, et je ne pus m’empêcher de sourire, car je lui avais dit, quelques jours avant, que si, par malheur, M. Ingres n’existait plus, je me serais permis de modifier le fond et de le faire plutôt d’un ton verdâtre. Ce hasard qui