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L’ATELIER D’INGRES.

sorti furieux d’une boutique parce que je marchandais ! — Il prétendait que c’était traiter le marchand comme un voleur.

— Et j’avais raison, » dit M. Ingres, qui était là.

« Avec cela qu’ils se gênent, ajouta-t-elle ; aussi vous pensez si je le laisse dire. »

Jeune, elle avait dû être ce qu’on appelle vulgairement un beau brin de fille, plus grande que son mari, et assez forte. Dans le petit et merveilleux croquis qu’il fit d’elle, la physionomie est fine ; mais, telle que je l’ai connue, il ne lui restait qu’un aspect bourgeois, dont la société des artistes au milieu desquels elle avait dû vivre n’avait pu lui rien ôter.

Pleine d’un esprit naturel assez agressif, elle avait des mots drôles et piquants, que M. Ingres tentait vainement d’adoucir. Son mariage fut des plus singuliers. Lorsque je retrouverai M. Ingres directeur de l’École de Rome, je le lui laisserai raconter, comme il le fit, le jour de son arrivée, dans le salon de l’Académie, devant les élèves et plusieurs amis.

Madame Ingres avait pour moi très-peu de sympathie. En général assez jalouse de l’affection de son mari, elle avait la réputation de ne l’avoir jamais laissé se lier avec ses confrères ; elle le voulait pour elle seule.