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L’ATELIER D’INGRES.

Il s’approcha alors de nos chevalets, en commençant par le massier, qui se trouvait le plus près de lui.

Comme il était plus avancé que nous, surtout au point de vue de l’exécution, peut-être M. Ingres fut-il plus exigeant et plus sévère. Il lui reprocha de ne pas copier servilement la nature. On comprendra que cette séance, où, pour la première fois, je touchais un pinceau, a dû me rester bien présente à l’esprit.

« Je vois là, dit-il, une tendance à l’adresse, au… je ne veux pas dire le mot… que l’on ne doit pas prononcer, que je ne veux pas qu’on prononce dans mon atelier. »

Et malgré cela, j’entendis très-bien le mot chic qui lui échappa.

« Prenez garde ; vous y tournez. — Vous indiquez là une chose que je ne vois pas. — Pourquoi la faire sentir ? parce que vous savez qu’elle y est. — Vous avez appris l’anatomie ? — Ah ! oui ; — eh bien ! voilà où mène cette science affreuse, cette horrible chose, à laquelle je ne peux pas penser sans dégoût. — Si j’avais dû apprendre l’anatomie, moi, messieurs, je ne me serais pas fait peintre. — Copiez donc tout bonnement la nature, tout bêtement, et vous serez déjà quelque chose. »

Il s’avança vers moi. — « Eh bien ! voyez…