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L’ATELIER D’INGRES.

Je venais de finir ma rhétorique. Il fallait songer à me créer une existence : mon père m’engageait vivement à me préparer au baccalauréat ; je saisis une occasion favorable, je pris mon courage à deux mains, et je lui avouai un beau jour que je voulais être peintre.

Il faut se rappeler, pour expliquer mon hésitation à faire cet aveu, que l’état de peintre en 1825 était encore l’équivalent de celui de rat d’église (Littré le constate dans son Dictionnaire), et que très-peu de chefs de famille voyaient d’un œil tranquille leurs enfants choisir une carrière dont le terme leur paraissait devoir être toujours un dénûment complet. On riait encore au théâtre, à cette époque, quand un père disait à l’amoureux de sa fille :

« Quelle est votre fortune ?

— Je suis peintre…

— C’est-à-dire que vous n’avez rien. »

Depuis, tout cela est bien changé, et les peintres d’aujourd’hui, en présentant leur budget, peuvent prétendre à la main des héritières les plus recherchées, et se voir classés parmi les plus heureux et les plus riches commerçants.

En 1825, on n’en était pas encore là, et je m’attendais à quelques graves observations de la part de mon père ; je me trompais. Il m’écouta