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tait privé de tout secours humain. Loin de la terre ferme, sans aucun objet pour reposer la vue à part l’immensité de l’océan et la voûte du ciel, suspendus pour ainsi dire, au-dessus d’un abîme insondable dont nous n’étions séparés que par une planche, nous étions en proie à des pensées assez sombres pour attrister l’homme le plus courageux. Dans de telles conditions, l’athée même est obligé de reconnaître sa grande faiblesse devant le pouvoir mystérieux dont il nie l’existence, devant cette puissance qui, seule, peut commander aux flots de s’apaiser et être obéie à l’instant ! Qui pourrait, dans ces moments solennels, ne pas avouer son impuissance, et ne pas reconnaître la main du Créateur, de Celui dont les décrets sont trop sages pour être compris des hommes ? Si dans ces heures d’angoisse, l’âme de l’incrédule est épouvantée à la pensée de la mort qui le poursuit, le chrétien, au contraire, est heureux de se reposer sur le Sauveur, même si l’océan doit lui servir de tombeau. C’est alors que le croyant comprend l’importance de ne pas « faire de la chair son bras, » et ne pas compter sur ses propres mérites. C’est alors que de son cœur s’échappe ce cri qui parvient jusqu’au trône de la miséricorde : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi qui suis un grand pécheur. »