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Les Agapes de Berne.

Le fait asseoir, l’entoure, et le sèche, et le presse
De mille questions. Promptes en leur tendresse
Les femmes, cependant, de l’hospitalité
Ont dressé le banquet, sous l’arcade abrité.
De maisons en maisons, c’est une longue chaîne
De flambeaux et de mets sur les tables de chêne.
On s’encourage, on rit, on fraternise, on boit,
Comme on fait lorsque s’ouvre un port dans la tempête ;
Partout l’amitié donne et l’amitié reçoit ;
Cette nuit de terreur devient presqu’une fête.
Aux arrivants, on dit Morat encor debout,
Les divers contingents parus, les bonnes chances,
Les mauvaises aussi, les Bourguignons, les transes,
Et les hommes absents et la guerre partout.
Eux disent les trois jours de leurs marches forcées,
Bremgarten, Willisau, les routes défoncées,
Les temps affreux, le poids effrayant du canon,
Les six cents à Krauchthal, d’épuisement sans nom
S’affaissant sur la route ; et mainte autre misère.
Quelque peu de repos leur serait nécessaire :
Pour atteindre Morat, ne faut-il pas encor
Six heures ?