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cités, si, comme Philippe, tu as quelque grande œuvre à accomplir (et quel homme n’en a pas une ?), si, dans l’égarement de l’heure présente, tu as encore quelque souci de ton avenir, compagnon de voyage, écoute Salomon ou Pythagore, et fuis, comme la lèvre des courtisanes, les langueurs de la paresse et le sourire de la volupté. Même pour Hercule, la mollesse est fatale : mieux valent les monstres et le combat tous les jours. Même pour Annibal, Capoue est un tombeau : mieux vaut, pour vaincre Rome, le lit de camp que le lit de roses. Même pour saint Paul, le corps est un serviteur faible quand il n’est pas rebelle : mieux vaut porter le cilice que manquer la couronne. Soldat de l’esprit, ferme l’oreille aux mélodies perfides des sirènes ! Amant de la vertu, champion de la gloire, veille sur tes yeux et sur ton cœur ! Garde à toi !


XXVI. — CONSEIL.


Pour comprendre et pour être heureux, oublie-toi.


XXVII. — L’AJOURNEMENT.


Un grave défaut qui stérilise la plupart de nos lectures et de nos projets, c’est l’ajournement. Nous remettons toujours le définitif, nous ne vivons qu’au provisoire, nous comptons sur le retour des circonstances ; bref, nous sacrifions le présent à l’avenir. Or le présent seul est réel. La vraie manière de préparer l’avenir est de bien profiter du pré-