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serrer la main quand on voudrait baiser la joue, et maintient les cœurs sur la limite indécise et virginalement charmante d’une affection demi-éclose et demi-contenue ! C’est le bouton de la rose et l’ébauche furtive de l’amour.


XXIV. — EFFET DE LA CLÉMENCE.


Une faute, qui se paie par une souffrance, pèse moins à la conscience délicate que celle qui paraît impunie ; comme la clémence touche souvent plus profondément le coupable que le châtiment.


XXV. — LES DEUX SIRÈNES.


Qui ne vous connaît, paresse et volupté, sirènes à la voix charmante, qui endormez le courage, énervez le corps, efféminez l’âme, Circés aux regards magnétiques et perfides, qui métamorphosez insensiblement, par votre magie, le héros en esclave et l’homme en brute ? Ami, défie-toi de leurs séductions, car ces enchanteresses sont des vampires ; leur douceur est trahison, l’ivresse qu’elles te versent est mortelle. Comme Dalila, elles n’enchaînent de leurs tresses l’homme au cœur tendre que pour lui ravir ses forces ; comme Omphale, elles ne lui font saisir en jouant la quenouille que pour le désarmer de sa massue. D’où que tu sois, enfant des neiges ou du soleil, fils de l’Orient ou de l’Occident, qui que tu sois, quel que soit ton âge, quel que soit ton Dieu, où que tu doives vivre, au cloître ou dans le monde, aux champs ou dans les