Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 140 —

la nature et des circonstances contre l’œuvre de l’individu : tel est l’enseignement d’aujourd’hui.

LX. — MOYEN DE SE VAINCRE.

Quand tu as à choisir entre diverses actions, fais de préférence ce que tu crains. — Quand tu as à choisir dans l’ordre de leur accomplissement, commence par ce qui te déplaît le plus.

LXI. — UNE IMPRESSION SUR HORACE.

Relu une bonne partie des Œuvres lyriques d’Horace. Une série d’odes ravissantes de grâce (à Taliarque, à Virgile, à Vénus, à la Fontaine de Blandusie, à Chloé) ou pleines de douce et voluptueuse mélancolie (à Postumus, à Sextus, à Torquatus), en me berçant de leurs rhythmes[sic] divins, étaient bien propres à me séduire. Pourtant l’impression générale est plutôt un désappointement. Horace (le lyrique) m’apparaît comme le poète littérateur, l’homme au goût délicat, ingénieux orfèvre de langage, ayant bien l’esprit de son état avec d’heureuses réminiscences républicaines qui sont même senties, mais, par goût et nature, plutôt un épicurien, malin et sceptique, et par position un courtisan aimable et adroit. On sent trop chez lui la dextérité, l’art, l’habile homme. Tout y est exquis et étonnant, mais il n’y a pas de franche inspiration, de sentiment chaud et vrai, de verve ni d’enthousiasme. En d’autres termes, Horace a de l’esprit non du génie, de la sagacité et non du