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peu-près en tout est une faiblesse. La justesse est donc une force. — Et comme la base de la beauté, c’est la vérité, la réalité, la vie, c’est-à-dire, la détermination, l’individualisation de chaque être et de chaque chose, car toute existence est individuelle, la première condition pour l’élégance est la correction, et pour la grâce la netteté. L’incertain, le mou, le flasque est la destruction du style en tout genre. La justesse est donc aussi une beauté. — Et comme chaque chose a le droit d’être reconnue dans sa nature et dans son intégrité ; que, mal saisie ou mal rendue, elle est lésée dans son droit, droit muet peut-être, mais imprescriptible, la justesse est donc aussi justice. — Et comme tout ce qui est mal fait est mal et que le mal accuse son auteur, l’inexactitude, qu’elle dérive ou d’une certaine lâcheté des organes ou d’une mollesse de caractère ou d’un léger manque de respect pour la vérité, indique, avouons-le, un défaut de conscience. Par ce côté, la justesse devient encore une vertu. — L’aptitude à la justesse varie, il est vrai, suivant les individus, mais nul ne peut, sans tort, se croire dispensé d’y arriver. Bien faire tout ce que l’on fait est une obligation. La justesse est donc enfin un devoir. — Ainsi, l’habileté et la morale, la sagesse et l’art, se donnent ici la main.

CXVII. — UN MOT SUR VINET COMME ÉCRIVAIN.

…..Comme penseur, comme chrétien et comme homme, Vinet restera un modèle et un type ; sa philosophie, sa théologie, son esthétique, bref son