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transparente la réalité qui l’occupe, et faire resplendir son idéal ; telle est sa fonction et son devoir. Autrement la critique n’est ni une science ni un art, c’est un oiseux et frivole caquetage, insupportable comme l’impertinence babillarde et stérile comme le jeu de deux amours-propres, indigne en tout cas de l’attention d’un écrivain ou d’un lecteur sérieux.

CXXVIII. — HISTOIRE UNIVERSELLE PAR CANTU.

Cet ouvrage remarquable à tant de titres et important, prouve combien un homme est faible contre un préjugé. L’auteur, malgré son amour de la vérité et sa générosité de cœur, a laissé troubler tout son point historique par le préjugé italien : aussi défigure-t-il l’histoire moderne. Malgré son érudition, il en est encore à cette vieillerie que le protestantisme n’a pas de noms à opposer à Galilée, Descartes, Raphaël, et il oublie seulement Newton, Leibnitz, Hegel, Shakspeare[sic], Beethowen[sic], etc., etc. Il va même, dans son zèle, jusqu’à cette énormité fâcheuse de faire du protestantisme la stabilité et du catholicisme le progrès, et jusqu’à mettre le premier hors la loi du christianisme. Toute sa philosophie de l’histoire en est bouleversée et son horizon amoindri. Son illusion est celle de Gioberti, « Catholicisme et liberté, suprématie morale de l’Italie » et tout ce bagage de paradoxes surannés et de joujoux patriotiques.Toujours même ignorance du principe substantiel de la Réformation ; toujours la tendance réelle du catholicisme