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méconnue ; toujours confusion du besoin d’unité spirituelle avec sa promulgation par la force ; toujours la lettre prise pour l’esprit et le christianisme vu à travers la conscience juive ou thibétaine[sic], qui croit tout perdu sans le temple de Sion ou la personne du Dalaï-lama. Cette conception superficielle et extérieure de la vérité, de la religion, de l’Église, est la fatalité des races latines. La discipline et la solidarité sous leurs deux grandes idées. Aussi méconnaissent-elles et menacent-elles inévitablement et par leur nature même la liberté et l’individualité. Au fond, ce qui les préoccupe, c’est l’espèce et non la personne. C’est pourquoi ces races correspondent en plein à la sphère politique et sociale, mais imparfaitement et seulement par l’élément de l’ordre, à la religion et à la philosophie ; l’autre élément, le plus profond, le plus moral, le plus sacré, refuge inviolable et dernier de la conscience, lui échappe. Le Dieu de la race latine est le Dieu qui ordonne ; le Dieu de la race germanique est le Dieu qui appelle. Ce sont là deux mondes qui ont peine à se comprendre, comme l’Égypte et la Grèce, qui se repoussent avec horreur, s’abominent et s’anathématisent : le monde de l’Autorité et celui de la Liberté. (1851.)

CXXIX. — LA PAIX.

Il n’y a de repos pour l’esprit que dans l’absolu, pour le sentiment que dans l’infini, pour l’âme que dans le divin, et pour la conscience que dans le parfait,