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poésie du Rhin. La lune approche du zénith et minuit n’est pas loin. O jeunesse, amour, enthousiasme, énergie, espérance, air des montagnes, venez rendre la fraîcheur à mon âme un instant troublée ! Sol de la patrie et du devoir, rendez-moi, comme la terre à Antée, la force pour le combat. Vaines images d’une vie menteuse, effacez-vous, dissipez-vous, cédez la place à l’idéal grave et pur d’une vie pleine et sérieuse. Pauvre cœur, sois un peu plus fidèle à toi-même, un peu plus confiant dans tes efforts ; et par faiblesse, par effacement et humilité, ne t’abandonne pas toi-même, ne perds pas le goût à ta propre vie, croyant toujours avoir choisi la mauvaise part ! Crois en Dieu et en toi, en la Providence et en ta force, en ton étoile et en ta mission : sans cette foi, on ne fait rien. Courage et confiance ! — Merci, grand fleuve, vieux Rhin qui descends de mes montagnes ; tes ondes froides et argentées roulent la force ; et de tes ondes je la sens remonter jusqu’à mon sein.

CXXXIII — L’EXEMPLE.

Toute vie est une profession de foi et exerce une propagande inévitable et silencieuse ; elle tend à transformer autant qu’il dépend d’elle l’univers et l’humanité à son image. Ainsi nous sommes tous hommes publics, nous avons tous charge d’âmes. Chaque homme rayonne sans cesse comme un corps lumineux, il est comme un fanal qui attire sur les récifs s’il ne guide pas au port. Chaque homme est prêtre même involontairement ; sa con-