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duite, prédication muette, le révèle perpétuellement aux autres ; mais il y a des prêtres de Bahal, de Moloch et de tous les faux dieux. Telle est la haute importance de l’exemple. De là la redoutable responsabilité qui pèse sur chaque homme. Le mauvais exemple est un empoisonnement spirituel ; c’est renseignement d’une religion sacrilège, d’un Dieu impur. Le péché ne serait qu’un mal pour celui qui le commet, mais il est un crime envers les faibles qu’il corrompt. Aussi a-t-il été dit : « Mieux vaudrait n’être pas né que de donner du scandale à l’un de ces petits. »

CXXXIV. — DEUX SAUVEGARDES.

La simplicité défend contre les tentatives de l’esprit, la pureté contre les tentations de la chair. L’âme simple et pure, bravant les séductions opposées de la nature supérieure et de la nature inférieure de l’homme, passe, inviolable et immaculée à travers le double enfer de l’orgueil et de la sensualité, pour remonter, soumise à la fois et spirituelle, aux pieds de Dieu.

CXXXV. — LA MÉMOIRE.

La mémoire est pour l’homme la possession de son travail antérieur : en la perdant, tu te ruines ; tu passes du rang de propriétaire intellectuel au rang de prolétaire. Si la pensée est le travail de l’esprit, la mémoire en est le capital, et le vrai capital, ce n’est pas la mémoire confuse et vague,