Page:Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses, 1788.djvu/111

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gnages d’un amour ordinaire qui ne se ralentissait pas, il s’aperçut que je soupirais tristement, que ma main, que je tenais dans la sienne, était tremblante (quand ma passion était satisfaite, l’inquiétude reprenait dans mon cœur la place que l’amour y occupait un moment avant) ; il me demanda avec empressement la cause de mon agitation, et se plaignait tendrement du mystère que je lui faisais de mes peines. — Ah ! Martin, lui dis-je, tu m’as perdue ! Ne dis pas que mon amour pour toi ne sois plus le même, j’en porte dans mon sein une preuve qui me désespère : je suis grosse ! Une pareille nouvelle le surprit. L’étonnement fit place à une profonde rêverie, je ne savais qu’en penser. Martin était toute mon espérance dans cette circonstance cruelle ; il balançait, que devais-je espérer ? Peut-être, disais-je, abattue par son silence, peut-être médite-t-il sa fuite ? il va m’abandonner à mon désespoir. Ah ! qu’il reste, j’aime mieux perdre la vie en l’aimant que mourir faute de le haïr. Je versais des larmes, il s’en aperçut. Aussi tendre, aussi fidèle que je craignais de le voir perfide, tandis que je le croyais occupé à se dérober à mon amour, il ne l’était que de celui de tarir mes pleurs en me dé-