Page:Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses, 1788.djvu/402

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mois entiers, j’ai tâché vainement d’étouffer ma tendresse ; elle est trop forte, je ne résiste plus à son impétuosité. Orgueil, crainte, honneur, respect pour moi-même, mes engagements pour le baron, elle a tout surmonté ; je sacrifie tout à mon amour pour vous, bien assurée que ce n’est point encore payer assez cher la possession de votre cœur.

Elle attendait pendant quelques instants ma réponse ; imaginez, Lorenzo, quelle dut être ma confusion. Je sentis tout-à-coup la force de l’obstacle que moi-même j’avais imprudemment élevé entre Agnès et moi. La baronne avait pris pour son compte les attentions dont j’attendais d’Agnès seule la récompense. L’énergie de ses expressions, les regards qui les accompagnaient et la connaissance que j’avais de ses dispositions vindicatives, tout me fit trembler pour moi-même et pour celle que j’aimais. Ne sachant comment répondre à sa déclaration, tout ce que me fournit en ce moment mon imagination fut la résolution de la détromper à l’instant même, sans cependant lui nommer Agnès. La vive tendresse qu’un moment auparavant on aurait pu lire dans tous mes traits avait fait place à la consternation. J’abandonnai sa main et me levai ; ce changement subit n’échappa point à son observation.