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Page:Anatole France - Autels de la peur.djvu/33

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compromettre sa bienfaitrice. Il put sortir de Paris et gagner Argenteuil. Mais il fut reconnu dans un cabaret de ce village par des jacobins qui le ramenèrent à Paris.

Comme ils tournaient l’angle de la tour de la grosse horloge, ils virent une multitude d’hommes armés s’agiter devant les grilles. Alors elle quitta le bras de Marcel.

— Dans mon intérêt, lui dit-elle, et pour mon salut, ne m’accompagnez pas ; du moins, ne le faites pas d’une manière ostensible. Mon instinct m’avertit que je serai moins en danger si je me livre seule aux bêtes.

Il s’arrêta et suivit des yeux, à travers la grille, la jeune femme qui traversait la cour du palais de justice au milieu des sabres et des piques. La foule était presque impénétrable sur les degrés du grand escalier qui donnait accès aux diverses salles du tribunal révolutionnaire. De cette foule en sabots, en carmagnole, en bonnet rouge, montaient des chants et des cris.

On parlait dans les groupes de justice sommaire et de massacres en bloc ; on accusait la lenteur du tribunal, trop enclin à sauver les coupables. Des marchands de journaux parcouraient la foule en criant : « Voilà la liste des gagnans à la loterie de la très sainte guillotine. Qui veut voir la liste ?… Demandez la grande trahison de Jean Duvernay ci-devant médecin du traître Capet. Demandez la conspiration de l’infâme Duvernay pour provoquer le massacre des patriotes. » Fanny avait traversé la place ; elle montait les degrés.