Page:Anatole France - Autels de la peur.djvu/4

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vant la maison. Là, sur un banc rustique une jeune femme est assise ; elle penche la tête ; son visage est caché par un grand chapeau de paille, couronné de fleurs naturelles. Elle porte sur sa robe à raies blanches et roses un fichu noué à la taille qui, placée un peu haut, donne à la jupe une longueur élancée, non sans grâce. Les bras, serrés dans une manche étroite, reposent. Une corbeille de forme antique, posée à ses pieds, est remplie de pelotes de laine. Près d’elle, un enfant dont les yeux bleus brillent à travers les mèches de ses cheveux d’or, fait des tas de sable avec sa pelle.

La jeune femme restait immobile et comme charmée, et lui, debout à la grille, se refusait à rompre un charme si doux. Enfin, elle leva la tête et montra un visage jeune, presque enfantin, dont les traits ronds et purs avaient une expression naturelle de douceur et d’amitié. Il s’inclina devant elle. Elle lui tendit la main.

— Bonjour, Monsieur Germain ; quelle nouvelle ? Quelle nouvelle apportez ? comme dit la chanson. Je ne sais que des chansons.

— Pardonnez-moi, Madame, d’avoir troublé vos songes. Je vous contemplais. Seule, immobile, accoudée, vous m’avez semblé l’ange du rêve.

— Seule ! seule ! répondit-elle, comme si elle n’avait entendu que ce mot : seule ! L’est-on jamais ?

Et, comme elle vit qu’il la regardait sans comprendre, elle ajouta :

— Laissons cela ; ce sont des idées que j’ai… Quelles nouvelles ?

Alors il lui conta la grande journée, la Bastille vaincue, la liberté fondée.

Fanny l’écouta gravement, puis :