Page:Anatole France - Autels de la peur.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Non, répondit la fille en tapotant les joues du moine en carmagnole.

— Tu l’as dit, ma déesse, nous servirons deux tendres amans. Citoyen Germain, donne-moi ton adresse et tu coucheras à la Bourbe ce soir ?

— C’est entendu, dit Marcel.

— C’est entendu, répondit Lardillon en lui tendant la main. Va retrouver ta bonne amie, et dis-lui que tu as vu Épicharis dans les bras de Lardillon. Puisse cette image faire naître en vos cœurs de riantes pensées !

Marcel lui répondit que peut-être ils n’avaient pas tous deux la même façon d’aimer, qu’il ne lui en était pas moins reconnaissant et qu’il regrettait de ne pouvoir vraisemblablement lui rendre service à son tour.

— L’humanité ne veut pas de salaire, répondit Lardillon.

Il se leva et, pressant Épicharis contre son cœur :

— Qui sait quand viendra notre tour ?


Omnes eodem cogimur : omnium
Versatur urna ; serius ocius
Sors exitura, et nos in æternum
Exilium impositura cymbæ.


En attendant, buvons ! Citoyen Germain, veux-tu partager notre repas ?

Épicharis ajouta que « ce serait gentil » et elle retint Marcel par le bras. Mais il s’échappa, emportant la promesse du substitut de l’accusateur public.

Anatole France.

(À suivre.)