Page:Anatole France - Autels de la peur.djvu/8

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phin atteint d’une maladie de langueur. Duvernay habitait alors Sèvres, où une voiture de la cour le venait prendre chaque matin pour le conduire à Saint-Cloud auprès de l’enfant malade. Un jour, la voiture rentra vide au palais, Duvernay n’était pas venu. Le lendemain, la reine lui en fit des reproches. « Monsieur, lui dit-elle, vous aviez donc oublié le dauphin ?

— Madame, répondit cet honnête homme ; je soigne votre fils avec humanité, mais hier j’étais retenu auprès d’une paysanne en couches. »

— Eh bien ! dit Fanny, cela n’est-il pas beau et ne devons-nous pas être fiers de notre ami ?

— Oui, cela est beau, répondit Germain.

Une voix grave et douce s’éleva près d’eux.

— Je ne sais, dit cette voix, ce qui excite vos transports, mais j’aime à les entendre. On voit en ce temps-ci tant de choses admirables !

L’homme qui parlait ainsi avait l’air robuste. Sa mise était sévère, mais plaisante à l’œil. Il portait une perruque poudrée et un jabot de fine dentelle. C’était Jean Duvernay ; Marcel reconnut son visage pour l’avoir vu bien des fois en estampe dans les boutiques du quai des Augustins.

— Je viens de Versailles, dit Duvernay. Je dois au duc d’Orléans le plaisir de vous voir en ce grand jour, Fanny. Il m’a amené, dans son carrosse, jusqu’à Saint-Cloud. J’ai fait le reste du chemin de la manière la plus commode : je l’ai fait à pied.

En effet, les souliers à boucle d’argent et les bas noirs étaient couverts de poussière.