Page:Anatole France - Balthasar.djvu/148

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saient voir le contentement de leur orgueil, Georges par sa rougeur, Abeille par ses sourires. C’est pourquoi la duchesse leur dit :

— Ces braves gens nous saluent de bon cœur. Georges qu’en pensez-vous ? Et qu’en pensez-vous, Abeille ?

— Qu’ils font bien, répondit Abeille.

— Et que c’est leur devoir, ajouta Georges.

— Et d’où vient que c’est leur devoir ? demanda la duchesse.

Voyant qu’ils ne répondaient pas, elle reprit :

— Je vais vous le dire. De père en fils, depuis plus de trois cents ans, les ducs des Clarides défendent, la lance au poing, ces pauvres gens, qui leur doivent de pouvoir moissonner les champs qu’ils ont ensemencés. Depuis plus de trois cents ans, toutes les duchesses des Clarides filent la laine pour les pauvres, visitent les malades et tiennent les nouveau-nés sur les fonts du baptême. Voilà pourquoi l’on vous salue, mes enfants.

Georges songea : « Il faudra protéger les laboureurs. » Et Abeille : « Il faudra filer de la laine pour les pauvres. »

Et ainsi devisant et songeant, ils cheminaient