Aller au contenu

Page:Anatole France - Balthasar.djvu/149

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entre les prairies étoilées de fleurs. Des montagnes bleues dentelaient l’horizon. Georges étendit la main vers l’Orient :

— N’est-ce point, demanda-t-il, un grand bouclier d’acier que je vois là-bas ?

— C’est plutôt une agrafe d’argent grande comme la lune, dit Abeille.

— Ce n’est point un bouclier d’acier ni une agrafe d’argent, mes enfants, répondit la duchesse, mais un lac qui brille au soleil. La surface des eaux, qui vous semble de loin unie comme un miroir, est agitée d’innombrables lames. Les bords de ce lac, qui vous apparaissent si nets et comme taillés dans le métal, sont en réalité couverts de roseaux aux aigrettes légères et d’iris dont la fleur est comme un regard humain entre des glaives. Chaque matin, une blanche vapeur revêt le lac, qui, sous le soleil de midi, étincelle comme une armure. Mais il n’en faut point approcher ; car il est habité par les Ondines, qui entraînent les passants dans leur manoir de cristal.

À ce moment, ils entendirent la clochette de l’Ermitage.

— Descendons, dit la duchesse, et allons à pied à la chapelle. Ce n’est ni sur leur éléphant