Page:Anatole France - Balthasar.djvu/151

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îles et vos montagnes, bonne femme ? demanda la duchesse.

— J’ai mécontenté les Nains, qui m’ont transportée loin de mes États.

— Les Nains ont-ils tant de pouvoir ? demanda Georges.

— Vivant dans la terre, répondit la vieille, ils connaissent les vertus des pierres, travaillent les métaux et découvrent les sources.

La duchesse :

— Et que fîtes-vous qui les fâcha, la mère ?

La vieille :

— Un d’eux vint, par une nuit de décembre, me demander la permission de préparer un grand réveillon dans les cuisines du château, qui, plus vastes qu’une salle capitulaire, étaient meublées de casseroles, poêles, poêlons, chaudrons, coquemars, fours de campagne, grils, sauteuses, lèchefrites, cuisinières, poissonnières, bassines, moules à pâtisserie, cruches de cuivre, hanaps d’or et d’argent et de madre madré, sans compter le tournebroche de fer artistement forgé et la marmite ample et noire suspendue à la crémaillère. Il me promit de ne rien égarer ni endommager. Je lui refusai pourtant ce qu’il me demandait, et il se retira en