Page:Anatole France - Balthasar.djvu/156

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Sans dire si cette explication la contentait, Abeille contemplait l’horizon.

— Petit frère, petit frère, vois-tu ce qui brille du côté des montagnes bleues ? C’est le lac !

— C’est le lac !

Ils se rappelèrent alors ce que la duchesse leur avait dit de ces eaux dangereuses et belles où les Ondines avaient leur manoir.

— Allons-y ! dit Abeille.

Cette résolution bouleversa Georges, qui, ouvrant une grande bouche, s’écria :

— La duchesse nous a défendu de sortir seuls, et comment irions-nous à ce lac qui est au bout du monde ?

— Comment nous irons, je ne le sais pas, moi. Mais tu dois le savoir, toi qui es un homme et qui as un maître de grammaire.

Georges, piqué, répondit qu’on pouvait être un homme et même un bel homme sans savoir tous les chemins du monde. Abeille prit un petit air dédaigneux qui le fit rougir jusqu’aux oreilles, et elle dit d’un ton sec :

— Je n’ai pas promis, moi, de conquérir les montagnes bleues et de décrocher la lune. Je ne sais pas le chemin des lacs, mais je le trouverai bien, moi !