Page:Anatole France - Balthasar.djvu/163

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Le soleil s’inclinait déjà dans le firmament radieux ; un souffle de brise caressa les joues et le cou des jeunes voyageurs, qui, rafraîchis et ranimés, poursuivirent hardiment leur voyage. Pour mieux marcher, ils chantaient en se tenant par la main, et ils riaient de voir devant eux s’agiter leurs deux ombres unies. Ils chantaient :


        Marian’ s’en allant au moulin,
        Pour y faire moudre son grain,
              Ell’ monta sur son âne,
              Ma p’tite mam’sell’ Marianne !
        Ell’ monta sur son âne Martin
              Pour aller au moulin…

Mais Abeille s’arrête ; elle s’écrie :

— J’ai perdu mon soulier, mon soulier de satin !

Et cela était comme elle le disait. Le petit soulier, dont les cordons de soie s’étaient relâchés dans sa marche, gisait tout poudreux sur la route.

Alors elle regarda derrière elle et, voyant les tours du château des Clarides effacées dans la brume lointaine, elle sentit son cœur se serrer et des larmes lui venir aux yeux.

— Les loups nous mangeront, dit-elle ; et