Page:Anatole France - Balthasar.djvu/164

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notre mère ne nous verra plus, et elle mourra de chagrin.

Mais Georges lui remit son soulier et lui dit :

— Quand la cloche du château sonnera le souper, nous serons de retour aux Clarides. En avant !


           Le meunier qui la voit venir
           Ne peut s’empêcher de lui dire :
                 Attachez là votre âne,
                 Ma p’tite mam’sell’ Marianne,
           Attachez là votre âne Martin
                 Qui vous mène au moulin.

— Le lac ! Abeille, vois : le lac, le lac, le lac !

— Oui, Georges, le lac !

Georges cria hourra ! et jeta son chapeau en l’air. Abeille avait trop de retenue pour jeter semblablement sa coiffe ; mais, ôtant son soulier qui ne tenait guère, elle le lança par-dessus sa tête en signe de réjouissance. Il était là, le lac, au fond de la vallée, dont les pentes circulaires faisaient aux ondes argentées une grande coupe de feuillage et de fleurs. Il était là, tranquille et pur, et l’on voyait un frisson passer sur la verdure encore confuse de ses rives. Mais les deux enfants ne découvraient dans la futaie aucun chemin qui menât à ses belles eaux.