Page:Anatole France - Balthasar.djvu/204

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— Abeille, vous allez revoir votre mère. Mais écoutez-moi. Toutes les nuits, vous le savez, j’envoie votre image à votre mère. Toutes les nuits, elle voit votre cher fantôme ; elle lui sourit, elle lui parle, elle l’embrasse. Je vous montrerai cette nuit à elle, vous-même, au lieu de votre simulacre. Vous la verrez ; mais ne la touchez pas, ne lui parlez pas, car alors le charme serait rompu et elle ne reverrait plus jamais ni vous ni votre image, qu’elle ne distingue pas de vous-même.

— Je serai donc prudente, hélas ! petit roi Loc… Le voilà ! le voilà !

En effet, le donjon des Clarides s’élevait tout noir sur le mont. Abeille eut à peine le temps d’envoyer un baiser aux vieilles pierres bien-aimées et déjà elle voyait fuir à son côté les remparts fleuris de giroflée de la ville des Clarides ; déjà elle montait par une rampe où des vers luisants brillaient dans l’herbe jusqu’à la poterne, que le roi Loc ouvrit aisément, car les Nains, dompteurs des métaux, ne sont point arrêtés par les serrures, les cadenas, les verrous, les chaînes et les grilles.

Elle monta l’escalier tournant qui menait à la chambre de sa mère et elle s’arrêta pour