Page:Anatole France - Balthasar.djvu/220

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Les années se passaient et Georges souhaitait avec une constante ardeur de revoir la terre, la rude terre que le soleil brûle, que la neige durcit, la terre natale où l’on souffre, où l’on aime, la terre où il avait vu, où il voulait revoir Abeille. Cependant il devenait un grand garçon et un fin duvet lui dorait la lèvre. Le courage lui venant avec la barbe, il se présenta un jour devant la reine des Ondines et s’étant incliné lui dit :

— Madame, je viens, si vous daignez le permettre, prendre congé de vous ; je retourne aux Clarides.

— Bel ami, répondit la reine en souriant, je ne puis vous accorder le congé que vous me demandez, car je vous garde en mon manoir de cristal pour faire de vous mon ami.

— Madame, reprit Georges, je me sens indigne d’un si grand honneur.

— C’est l’effet de votre courtoisie. Tout bon chevalier ne croit jamais avoir assez gagné l’amour de sa dame. D’ailleurs vous êtes bien jeune pour connaître encore tous vos mérites. Sachez, bel ami, qu’on ne vous veut que du bien. Obéissez seulement à votre dame.