Page:Anatole France - Balthasar.djvu/79

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» Je sortis fort troublé, sans que mon ami montrât la moindre envie de me retenir. Tout le jour, j’errai au hasard dans les rues, le cœur vide et désolé ; puis, me trouvant, par hasard, le soir sur le boulevard devant une boutique de fleuriste, je me rappelai ma fiancée et j’entrai prendre pour elle une branche de lilas blanc. J’avais à peine la fleur entre les doigts qu’une petite main me l’arracha et je vis Leila qui s’en allait en riant. Elle était vêtue d’une courte robe grise, d’une veste également grise et d’un petit chapeau rond. Ce costume de Parisienne en course allait, je dois le dire, aussi mal que possible à la beauté féerique de cette créature et semblait sur elle une sorte de déguisement. C’est pourtant en la voyant ainsi que je sentis que je l’aimais d’un inextinguible amour. Je voulus la rejoindre, mais elle m’échappa au milieu des passants et des voitures.

» À compter de ce moment, je ne vécus plus. J’allai plusieurs fois chez Paul, sans revoir Leila. Il me recevait amicalement, mais il ne me parlait pas d’elle. Nous n’avions rien à nous dire et je le quittais tristement. Un jour enfin, le valet de chambre me dit : « Monsieur est sorti. » Et il ajouta : « Monsieur veut-il parler