Page:Anatole France - Balthasar.djvu/78

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corps, dans la légèreté aérienne de ses pas, jusque dans ses bras nus auxquels des ailes invisibles semblaient attachées ; enfin dans tout son être ardent et fluide, je sentis je ne sais quoi d’étranger à la nature humaine, je ne sais quoi d’inférieur et de supérieur à la femme telle que Dieu l’a faite, en sa bonté redoutable, pour qu’elle fût notre compagne sur cette terre d’exil. Du moment que je la vis, un sentiment monta dans mon âme et l’emplit toute : je ressentis le dégoût infini de tout ce qui n’était pas cette femme.

» En la voyant entrer, Paul avait froncé légèrement le sourcil ; mais, se ravisant tout aussitôt, il essaya de sourire.

» — Leila, je vous présente mon meilleur ami.

» Leila répondit :

» — Je connais monsieur Ary.

» Cette parole devait sembler étrange, puisque certainement nous ne nous étions jamais vus ; mais l’accent dont elle fut dite était plus étrange encore. Si le cristal pensait, il parlerait ainsi.

» — Mon ami Ary, ajouta Paul, se marie dans six semaines.

» À ces mots, Leila me regarda et je vis clairement que ses yeux d’or disaient non.