Page:Anatole France - Balthasar.djvu/83

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refusait de répondre à toute question qu’on lui faisait sur son passé. Elle ne savait rien de ce que nous savons. Par contre, elle savait beaucoup de choses que nous ignorons. Elevée en Orient, elle connaissait toute sorte de légendes hindoues et persanes qu’elle contait d’une voix monotone avec une grâce infinie. À l’entendre raconter l’aurore charmante du monde, on l’aurait dite contemporaine de la jeunesse de l’univers. Je lui en fis un jour la remarque. Elle répondit en souriant :

» — Je suis vieille, il est vrai.

M. Safrac, toujours debout devant la cheminée, se penchait depuis quelque temps vers moi dans l’attitude d’une vive attention.

— Continuez, me dit-il.

— Plusieurs fois, mon père, j’interrogeai Leila sur sa religion. Elle me répondit qu’elle n’en avait pas et qu’elle n’avait pas besoin d’en avoir ; que sa mère et ses sœurs étaient filles de Dieu, et que pourtant elles n’étaient liées à lui par aucun culte. Elle portait à son cou un médaillon rempli d’un peu de terre rouge, qu’elle disait avoir recueilli pieusement pour l’amour de sa mère.

À peine avais-je prononcé ces mots que