Page:Anatole France - Balthasar.djvu/84

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M. Safrac, pâle et tremblant, bondit et, me pressant le bras, me cria aux oreilles :

— Elle disait vrai ! Je sais, je sais maintenant quelle était cette créature. Ary, votre instinct ne vous trompait pas. Ce n’était pas une femme. Achevez, achevez, je vous prie !

— Mon père, j’ai presque terminé. Hélas ! j’avais rompu, pour l’amour de Leila, des fiançailles solennelles, j’avais trahi mon meilleur ami. J’avais offensé Dieu. Paul, ayant appris l’infidélité de Leila, en devint fou de douleur. Il menaça de la tuer, mais elle lui répondit doucement :

» — Essayez, mon ami ; je souhaiterais mourir, et je ne peux pas.

» — Six mois elle se donna à moi ; puis un matin, elle m’annonça qu’elle retournait en Perse et qu’elle ne me verrait plus. Je pleurai, je gémis, je m’écriai : « Vous ne m’avez jamais aimé ! » Et elle me répondit avec douceur :

» — Non, mon ami. Mais combien de femmes, qui ne vous ont pas aimé davantage, ne vous ont pas donné ce que vous avez reçu de moi ! Vous me devez encore de la reconnaissance. Adieu.