Page:Anatole France - Balthasar.djvu/85

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» — Je demeurai deux jours entre la fureur et la stupidité. Puis, songeant au salut de mon âme, je courus à vous, mon père. Me voici : purifiez, élevez, fortifiez mon cœur ! Je l’aime encore !

Je cessai de parler. M. Safrac restait pensif, le front dans la main. Le premier, il rompit le silence :

— Mon fils, voilà qui confirme mes grandes découvertes. Voilà de quoi confondre la superbe de nos modernes sceptiques. Écoutez-moi. Nous vivons aujourd’hui dans les prodiges, comme les premiers-nés des hommes. Écoutez, écoutez ! Adam eut, comme je vous l’ai dit, une première femme dont la Bible ne parle pas, mais que le Talmud nous fait connaître. Elle se nommait Lilith. Formée, non d’une de ses côtes, mais de la terre rouge dont lui-même était pétri, elle n’était pas la chair de sa chair. Elle se sépara volontairement de lui. Il vivait encore dans l’innocence quand elle le quitta pour aller en ces régions où les Perses s’établirent de longues années après et qu’habitaient alors des préadamites plus intelligents et plus beaux que les hommes. Elle n’eut donc pas de part à la faute de notre premier père et ne