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ONÉSIME DUPONT

liberté sur la terre et de la fraternité universelle. Sa doctrine était celle des républicains de son âge, mais ce qu’il avait d’original, c’est qu’il était en même temps l’ami le plus généreux du genre humain et le plus sombre des misanthropes. Les hommes qu’il chérissait en masse, jusqu’à sacrifier à leur bonheur ses biens, sa liberté, sa vie, il les méprisait en particulier et évitait leur contact comme une souillure. Ce n’était pas la seule contradiction de cet esprit qui proclamait sans cesse l’indépendance de l’idée, condamnait l’emploi du glaive et qui, soutenant ses doctrines l’épée à la main, se battait pour les questions de principe. Il fut jusqu’à la vieillesse le plus fier duelliste de son parti.

Sa hauteur, sa froideur et le sentiment inflexible qu’il avait de l’honneur faisaient de lui une sorte de gentilhomme rouge. Il était fils d’un marchand de porcelaines du faubourg Poissonnière. Il fut destiné lui-même