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Page:Anatole France - Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.djvu/57

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CRAINQUEBILLE

dans ses mains pour en lubrifier la paume calleuse, il empoignait les brancards et poussait la charrette, tandis que, devant lui, les moineaux, comme lui matineux et pauvres, qui cherchaient leur vie sur la chaussée, s’envolaient en gerbe avec son cri familier : Des choux, des navets, des carottes ! Une vieille ménagère, qui s’était approchée, lui disait en tâtant des céleris :

— Qu’est-ce qui vous est donc arrivé, père Crainquebille ? Il y a bien trois semaines qu’on ne vous a pas vu. Vous avez été malade ? Vous êtes un peu pâle.

— Je vas vous dire, m’ame Mailloche, j’ai fait le rentier.

Rien n’est changé dans sa vie, à cela près qu’il va chez le troquet plus souvent que d’habitude, parce qu’il a l’idée que c’est fête, et qu’il a fait connaissance avec des personnes charitables. Il rentre un peu gai, dans sa soupente. Étendu dans le plumard, il ramène sur lui les sacs que lui a prêtés