Page:Anatole France - Crainquebille, Putois, Riquet et plusieurs autres récits profitables.djvu/84

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s’ennuyaient excessivement. Elle disait qu’il était honnête de dîner en famille le dimanche et que seuls les gens mal nés n’observaient pas cet ancien usage. Mon père pleurait d’ennui à Monplaisir. Son désespoir faisait peine à voir. Mais madame Cornouiller ne le voyait pas. Elle ne voyait rien. Ma mère avait plus de courage. Elle souffrait autant que mon père, et peut-être davantage, et elle souriait.

— Les femmes sont faites pour souffrir, dit Zoé.

— Zoé, tout ce qui vit au monde est destiné à la souffrance. En vain nos parents refusaient ces funestes invitations. La voiture de madame Cornouiller venait les prendre chaque dimanche, après midi. Il fallait aller à Monplaisir ; c’était une obligation à laquelle il était absolument interdit de se soustraire. C’était un ordre établi, que la révolte pouvait seule rompre. Mon père enfin se révolta, et jura de ne plus accepter