Page:Anatole France - Discours prononcé à l’inauguration de la statue d’Ernest Renan.djvu/25

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identifie les dieux des Grecs et des barbares avec ses propres dieux. Elle vénère dans les cités grecques les images et les symboles de la liberté. Les peuples reconnaissants élèvent des temples à Rome tutélaire. Mais des millions d’esclaves et de misérables échappent à ses bienfaits. Elle ne les connaît pas. Victorieuse et pacificatrice, fière de ses orateurs et de ses légions, elle dédaigne les artisans et toutes ces petites gens qui s’occupent de produire ou de transporter les choses nécessaires à la vie. Elle méprise le travail manuel et considère tout trafic comme indigne d’un citoyen. Elle se fait servir par des armées d’esclaves, auxquels, dans sa cruelle prudence, elle n’enseigne que la terreur des supplices. Elle voit sans crainte la misère orientale ronger comme une lèpre les berges du Tibre. Là, les Juifs issus des prisonniers de Pompée