Page:Anatole France - Discours prononcé à l’inauguration de la statue d’Ernest Renan.djvu/26

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et une foule sans cesse accrue de Syriens, de Chaldéens, d’Égyptiens vivent des métiers les plus vils, déchargent les chalands, échangent des allumettes contre des verres cassés, vendent des loques et des rogatons ; leurs femmes vont dire la bonne aventure dans les maisons des riches ; leurs enfants mendient pieds nus dans les bosquets d’Égérie. Rome châtie avec une sévérité impitoyable et distraite leurs émeutes et leurs turbulences. Sa police apaise à coups de bâton leurs querelles au sujet d’un certain Chrestus, puis cette Rome, providence de l’univers, les laisse dédaigneusement croupir dans la misère et l’infamie. Elle n’essaie pas d’adoucir leurs maux ; elle ne fait rien pour les gagner à elle. Elle ne leur apprend rien de romain ; elle n’apprend d’eux rien d’humain. Elle ignore leur humble pensée, leur foi, leurs espérances. Ils sont la lie de l’hu-