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Page:Anatole France - Histoire comique.djvu/93

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que chose de précieux. Pourtant la nature nous enseigne assez que rien n’est plus vil ni plus méprisable. Autrefois, on était moins barbouillé de sentimentalisme. Chacun tenait sa propre vie pour infiniment précieuse, mais ne professait aucun respect pour la vie d’autrui. On était alors plus près de la nature : nous sommes faits pour nous manger les uns les autres. Mais notre race faible, énervée, hypocrite, se plaît dans un cannibalisme sournois. Tout en nous entre-dévorant, nous proclamons que la vie est sacrée, et nous n’osons plus avouer que la vie c’est le meurtre.

— La vie, c’est le meurtre, répéta Chevalier songeur et sans comprendre.

Puis il jaillit en idées fumeuses.

— Le meurtre et le carnage, peut-être ! Mais le carnage amusant et le meurtre drôle. La vie, c’est la catastrophe burlesque, c’est le comique terrible, c’est le masque de carnaval sur des joues sanglantes. Voilà