Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/13

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Il mangeait sans s’en apercevoir, oubliait de boire et babillait :

— Maman, qu’est-ce que c’est qu’un poulet vert ?

— Cela ne peut être qu’un perroquet, répondit trop légèrement la Parisienne.

C’est ainsi qu’André fut induit à désigner par le nom de perroquets les canards de son grand-père, ce qui rendait ses récits prodigieusement obscurs.

Mais il ne s’en laissait pas facilement imposer.

— Maman, sais-tu ce que grand-père m’a dit ? Il m’a dit que c’étaient les poules qui faisaient les œufs. Mais je sais bien que non. Je sais bien que c’est le fruitier de l’avenue de Neuilly qui fait les œufs ; alors on les porte aux poules pour qu’elles les réchauffent. Car, comment veux-tu, maman, que les poules fassent des œufs, puisqu’elles n’ont pas de mains ?

Et André continua à explorer la nature. En se promenant dans la forêt avec sa maman, il éprouvait toutes les émotions de Robinson Crusoé. Un jour, tandis que la veuve, assise sous un chêne, au bord de la route, travaillait à sa guipure, il trouva une taupe. C’est très grand, une taupe. Il est vrai que celle-là était morte. Elle avait même du sang au museau. Sa maman lui cria :

— André ! veux-tu bien laisser ces horreurs... Tiens : regarde vite là, dans l’arbre.