Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre, 1879.djvu/14

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Et il aperçut un écureuil qui sautait dans les branches. Sa maman avait raison : l’écureuil était plus joli que la taupe.

Mais il avait passé trop vite, et André demandait si les écureuils ont des ailes, quand un passant, dont la face mâle et franche était encadrée d’une belle barbe brune, tira son chapeau de paille et s’arrêta devant madame Trévière.

— Bonjour, madame ; vous vous portez bien ? Comme on se retrouve ! Voilà votre petit bonhomme ? Il est très gentil. On m’avait bien dit que vous logiez ici chez le père Trévière... Excusez-moi. Je le connais depuis si longtemps !

— Nous sommes venus ici parce que mon petit garçon avait besoin du grand air. Mais vous, monsieur, je me rappelle que vous habitiez déjà dans ces parages quand j’avais encore mon mari.

Comme la voix de la veuve s’éteignait, il reprit d’un ton grave :

— Je sais, madame.

Et, très naturellement, il inclina la tête comme pour saluer au passage le souvenir d’un grand deuil.

Puis, après un moment de silence :

— C’était le bon temps ! Que de braves gens il y avait alors, qui sont partis depuis ! Mes pauvres paysagistes ! Mon pauvre Millet ! C’est égal. Je suis resté