Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/100

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sion opportune de fatigue et de mélancolie. Grâce à l’embonpoint de son corps albumineux, il avait du poids et marchait gravement. Ayant conscience de cet avantage, il ne perdait rien de son volume ni de sa masse et restait considérable. Par un étrange retour de la fortune, son chapeau, bien différent de celui qu’il avait posé jadis sur le guéridon du salon, dans l’hôtel Haviland, était vierge et lustré, avec une coiffe d’une blancheur immaculée. Il était sur son bras comme un mortier sur son affût et semblait pointé contre le corbillard. Les bottes de M. Fellaire ne craquaient pas avec force comme de coutume ; il en sortait à chaque pas une sorte de soupir, comme si deux Génies funéraires y eussent été cachés. Devant l’édicule gothique sous lequel des ouvriers descendaient le cercueil en retenant à demi un : « Oh ! hé ! » et en crachant dans leurs paumes brûlées par le frottement des cordes, M. Fellaire resta immobile en regardant le ciel par-dessus ses lunettes avec une expression spiritualiste. On comprenait, à le voir ainsi, que sa pensée ne s’arrêtait pas devant les portes de bronze du tombeau, mais qu’elle s’élevait dans les régions