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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/101

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éthérées sur les ailes de la philosophie la plus distinguée. Il planait ainsi dans les domaines de l’idéalisme et semblait lui-même affranchi de l’existence, quand une petite toux lui rappela qu’il vivait et qu’il avait la poitrine grasse. Derrière lui, le dominant de toute la tête, quelques Anglais à poil blond et à grande forme se tenaient droits dans leurs habits bien coupés. Deux hommes d’affaires, commensaux de la brasserie de Colmar et partenaires habituels de M. Fellaire au billard et aux dominos, chuchotaient à part. Le groupe des gens de maison, tassé dans une contre-allée, au flanc de l’édicule, découpait dans la lumière crue les favoris des valets de chambre, les bonnets à rubans des cuisinières, accusait des rondeurs de coudes et des silhouettes de pantalons noirs trop longs retombant à grand plis sur les bottes.

Après l’inhumation, M. Fellaire reçut les compliments de condoléance des assistants dans l’attitude d’un homme courageux, mais accablé. Il remercia les personnes qui avaient bien voulu s’associer à lui pour rendre les derniers devoirs au défunt. Il feignait de revoir avec satisfaction chacune des personnes présentes, bien qu’il n’en