Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/102

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connût pas une seule. Il pressait la main à chacune avec une énergie qui voulait évidemment dire : « Merci ! merci ! J’aurai du courage. Je saurai me contenir. » Quand ce fut le tour de ses deux vieux camarades de café, il ne tendit au contraire que le bout des doigts, et, fronçant les sourcils, il exprima soudain une tristesse sauvage et répulsive. Il craignait qu’ils lui missent la main sur l’épaule en l’appelant « ma pauvre vieille ».

Il renouvela plusieurs fois ses remerciements collectifs et il les adressa finalement à un groupe de personnes qui venaient d’enterrer un juge de paix et qui ne surent jamais ce que leur voulait ce monsieur en habit noir.

Comme il lui était impossible d’établir une ligne de démarcation entre les amis de son gendre et le reste des hommes, il eût fait les honneurs de tous les enterrements de la journée, si les divers cortèges se fussent écoulés devant lui sans interruption.

À compter de ce jour, il ne quitta plus ni son habit noir, ni sa mine stoïque et morne. Il venait tous les jours à l’hôtel Haviland, y déjeunait et y