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Page:Anatole France - Jocaste et Le Chat maigre.djvu/106

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un petit homme vif qui le traita de revenant, de spectre et de fantôme avec beaucoup de gaieté et qui entonna d’une belle voix grave l’air de Robert : « Nonnes, qui reposez… » C’était son ancien camarade de classes, Bouteiller, qui, célèbre au lycée par son inaptitude aux sciences comme aux lettres, était devenu reporter dans un grand journal. Il venait d’entendre approximativement trois discours prononcés sur la tombe d’un membre de l’Institut. S’attachant au bras de Longuemare :

— Mon bon, lui dit-il, tu dînes avec moi, ce soir, chez Bréval.

Pendant le dîner, Longuemare, profondément agité, mais cachant, selon son habitude, son émotion sous des formes plaisantes, traita plusieurs questions relatives à l’amour et aux femmes, avec des développements scientifiques relevés de calembours transcendants. Ils dînaient au champagne frappé. Bouteiller ne dînait pas autrement. Le champagne était une nécessité professionnelle qu’il subissait. Au reste, il était fort occupé ; il passait en chemin de fer des heures de sa vie qui eussent été plus belles sans cela. Il